Comment évaluer une formation ?
Jamais la formation n’a autant parlé de qualité qu’aujourd’hui. Le décret 2015-790 du 30 juin 2015 a remis en lumière les problématiques d’évaluation de la qualité pour les organismes de formation. Mais qu’est-ce qu’une bonne formation ? Comment parler de qualité dans un monde qui change de qualité ? Autrement dit, qu’est-ce qui change dans la qualité ?
Au 20ème siècle, la qualité de la formation en entreprise est née de l’Organisation Scientifique de la Formation (OSF). Tout naturellement, la qualité est celle de l’ingénieur, celle du producteur, la formation fonction de l’offre. Le premier grand courant de la qualité, la norme, est issu de la qualité AFNOR qui rappelons-le est né en 1926. Il s’agit d’évaluer le process de production de la formation. La norme de qualité porte tout aussi bien sur la réalisation d’actions de formation, sur le choix du prestataire, sur la production, ou même sur l’évaluation. Mais la norme normalise un processus, et, dans un monde disruptif, la stabilité d’un processus n’est-il pas à réinterroger ? Ces interrogations ne sont pas nouvelles, des compléments de qualité ont vu le jour avec des marqueurs comme les labels, dont le plus connu est l’OPQF créé en 1994 par la Fédération de Formation Professionnelle, ou les chartes de qualité qui sont des déclarations d’engagements. Il s’agit de définir un référentiel validé par les professionnels de la profession, pour ensuite diagnostiquer les écarts à la norme. Cette mécanique a bien fonctionné au 20ème siècle. Que peut-on dire de plus ?
La formation est passée d’une fonction de l’offre à une fonction de la demande. La qualité fonction de l’offre décentre la problématique des producteurs aux apprenants. Remettre l’apprenant au centre du processus de qualité. C’est tout ce qui se construit aujourd’hui… avec la notion de réputation professionnelle. Le marché de la formation est un marché de cooptation. Pour savoir ce si l’organisme de formation est de bonne qualité, il suffit de demander à ses pairs, son réseau professionnel. Au-delà des marqueurs sociaux affichés, la qualité du prestataire dépend des personnes qui s’en portent garante, la réputation professionnelle. Avec les nouvelles pratiques pédagogiques, les nouvelles formes d’animation, les nouveaux médias de la formation, la réputation entre pairs ne sera plus suffisante, ce qui arrive c’est l’avis des apprenants eux-mêmes. La formation devrait connaître la même évolution de la qualité que d’autres secteurs. Et les outils se mettent en place, c’est là une des composantes de l’ubérisation de la formation. Qui sera le TripAdvisor de la formation ? Le Guide du routard, avec ses experts qualité, fonction de l’offre, a laissé place aux commentaires des usagers qui font aujourd’hui force de loi pour évaluer la qualité d’une prestation hôtelière. TripAdvisor a professionnalisé les commentaires en pistant les fakes… rien d’absolument sûr, mais avec le nombre, l’assurance de la qualité est là.
La qualité de la formation n’est pas neutre… la qualité est d’abord sociale, comme la cristallisation qui est construite par et pour une société. En formation, la société de l’ingénieur laisse peu à peu la place à la société de l’apprenant…. Les marqueurs sociaux vont forcément s’adapter… au risque de se fossiliser pendant une période de transition… un fossile est la trace d’un monde qui a été et n’est plus… mais qui aide encore à choisir, faute d’avoir construit ou fait évoluer les référents de la qualité adaptés. Une bonne question serait : quelle institution sera demain le garant de la qualité de la formation professionnelle ?
Paris, le 10 décembre 2015 diffusé par Focus RH
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